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12 déc. 2024
Le jury des Piolets d'Or récompense la cordée japonaise d'exception tombée au K2
Le jury international des Piolets d'Or, réuni ce 11 décembre à Sant Martino di Castrozza, dans les Dolomites, a distingué les Japonais Kenro Nakajima, 39 ans - Kazuya Hiraide, 45 ans, disparus tragiquement dans leur tentative sur la face ouest du K2 le 27 juillet dernier, en remettant à chacun respectivement un 3e et 4e Piolet d'Or. Leur cordée avait dévissé à 7500 m, alors qu'ils tentaient en style alpin l'ouverture d'une nouvelle voie dans la face la plus difficile et la plus raide du 2e sommet du monde (8611 m). Une face qui n'a été gravie qu'une fois, par une lourde expédition russe, en 2007, qui en vint à bout après 70 jours et l'emploi massif de cordes fixes.
Si le nom de Kazuya Hiraide, et si d'une manière générale l'excellence de l'alpinisme japonais, résonne peu dans les milieux alpins occidentaux, le jury des Piolets d'Or ne s'y est pas trompé, en mettant en lumière une trajectoire exceptionnelle, marquée par une quête de pureté dans la difficulté toujours plus exigeante, et par une conscience aiguë de la réalité de la condition de grimpeur, jusqu'au tragique.
Issu de la course à pied et du ski-alpinisme, disciplines dans lesquelles il excellait mais abhorrant l'esprit de compétition, il découvre la haute altitude lors d'une expédition au Cho Oyu en 2002. Il se tourne alors résolument vers les hauts sommets himalayens, avec une approche qui le caractérisera désormais : des sommets vierges, et des premières. En une vingtaine d'années, il totalisait, avant son départ pour le K2, 18 expéditions, 12 premières, et 3 Piolets d'Or pour les ascensions suivantes :
2008 : Face sud-ouest du Kamet (7756 m, Inde), avec Kei Taniguchi
2017 : Face nord-est du Shispare (7611 m, Pakistan) avec Kenro Nakajima
2019 : Face sud du Rakaposhi (7788 m, Pakistan), avec Kenro Nakajima
Profondément par la mort en montagne de sa partenaire de grimpe et compagne, Kei Taniguchi, en 2015, et après un long passage à vide, il avait formé une nouvelle cordée avec Kenro Nakajima, de 10 ans son cadet et enchaîné à nouveau les succès, sans se départir d'une lucidité tragique sur les risques inhérents de la pratique alpine à ce niveau d'engagement. Cette conscience, qui avait amené ce père de famille à prendre sa retraite après cette tentative au K2, lui faisait affirmer en décembre 2023, au quotidien espagnol El Pais, qui l'interviewait lors de la sortie du documentaire Rope, qui lui était consacré : « J'ai escaladé beaucoup de montagnes, et maintenant j'en ai peur ».